Les relations économiques entre la Tunisie et la
Libye étaient un peu de l’ordre du « je t’aime, moi non plus », il y a
de cela quelques temps. Quelques contraintes à caractère politique se
sont imitées dans les bons rapports entre les deux pays voisins. On a
peut-être voulu nous le cacher, sous le régime Ben Ali, mais la Tunisie,
économiquement, a besoin de la Libye.
Il ne faut pas prendre faussement ses grands airs.
La Libye a ce dont nous avons besoin et c’est grâce à la Libye que les
mécanismes d’une dynamique économique en Tunisie sont bien huilés. C’est
quand même le premier partenaire régionale de la Tunisie ; un
partenaire qui reçoit 7% de nos exportations. Et puis ne passons surtout
pas outre la manne commerciale graissant la patte aux habitants de la
Région de Ben Guerden. Avec les 10000 à 15000 voyageurs par jour faisant
l’aller retour au poste frontalier de Ras Jédir, le commerce y est plus
que juteux.
Aujourd’hui la donne change radicalement.
En 2010, le volume des échanges tuniso-libyens ont
atteint les 2,5 milliards de dinars soit 1,3 milliards d’euro. En
l’espace de deux ans, entre 2008 et 2010, pas moins de cinq millions de
Libyens ont visité la Tunisie pour du tourisme ou pour des raisons
médicales. Des visites où environ 4,75 milliards de dinars ont été
dépensés.
Aujourd’hui, la Révolution libyenne fait ravage et
la Tunisie va devoir accuser le coup. Pour le moment, il n’y a pas de
chiffres exacts quant à l’étendu des pertes commerciales subies par
l’économie tunisienne. Comme si les dégâts causés à l’échelle nationale
par toute sorte de grèves et de suspensions d’activité, ne suffisaient
pas, il a fallu que les échanges internationaux en pâtissent aussi. Pas
de bol, en effet. Et puis Kadhafi qui disait vouloir se venger de la
Tunisie, source de rébellion chez lui, ne croit pas si bien dire…
La chambre de commerce tuniso-libyenne a récolté
quelques informations à propos des pertes constatées. Les évaluations
sont portées aux alentours de 100 millions de dinars par mois.
Aussi, la Tunisie s’est vue forcée de renoncer à
son fournisseur en produits pétrochimiques et autres matières premières.
Et c’est sans compter sur l’abstinence des touristes libyens, au nombre
de près de 1,5 million, qui ont l’habitude de se rendre chez nous soit
pour faire du tourisme classique ou médical. D’ailleurs, les patients
libyens représentent 80% du total des patients des cliniques privées en
Tunisie. Aujourd’hui, la part des clients libyens a reculé de l’ordre de
70%. Inquiétant !
Et ce n’est pas tout. Les groupes tunisiens ayant
choisi de s’installer sous les cieux libyens pour profiter du potentiel
économique, à l’instar de Poulina et Slama, font face à une dégringolade
vertigineuse de leur activité sur fond de manque de visibilité totale.
En Tunisie, la Révolution a été fulgurante et
pourtant la reprise économique semble difficile à réaliser. Et pour
cause ! Cette logique absurde qui fait que les citoyens font des grèves
pour des revendications sociales lesquelles ne peuvent pourtant être
satisfaites que grâce à la relance économique qui elle-même ne peut être
réalisée que grâce au travail. Mais alors que dire de la Libye, en
pleine guerre civile!
Rappelons, par ailleurs, qu’il existe 1200
entreprises tunisiennes qui exportent vers la Libye dont la majorité a
une activité artisanale, d’autres dans l’agroalimentaire, et dans les
travaux publics et du bâtiments.
Nous savons, de même que des projets tuniso-libyens
étaient planifiés tels que la holding commune dont l’objectif
consistait initialement à gérer les investissements engagés comme ceux
dans le pétrole avec la nouvelle raffinerie de Skhira ainsi que dans les
infrastructures avec l’autoroute Sfax-Tripoli et enfin dans le
tourisme. Bien entendu, ces projets sont plus morts que nés. Le schéma
de la Révolution libyenne est bien plus compliqué qu’on pouvait croire.
La Tunisie devra peut-être songer à une solution de rechange en
attendant.