Par Claire Fages
Constituer des stocks de grains, c'est une des précautions que prennent les Etats d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient pour éviter les troubles sociaux qui ont mis à bas le régime tunisien voisin.
L'office public des céréales à Alger vient de lancer coup sur coup deux nouveaux appels d'offres en début de semaine pour au moins 600 000 tonnes de blé tendre - le blé meunier - et 50 000 tonnes de blé dur, utilisé pour la semoule. Cela s'ajoute aux 350 000 tonnes achetées le 6 janvier dernier, au lendemain du déclenchement des émeutes de la vie chère en Algérie. En tout, ce pays aura commandé 1 million de tonnes de blé en quinze jours, pour livraison au printemps.
Le ministre algérien de l'Agriculture confirme l'avis d'un négociant : ce sont des achats de précaution, au cas où de nouveaux troubles perturberaient l'approvisionnement. Ces stocks sont aussi destinés à accroître les quantités mensuelles de blé livrées au marché local et en particulier aux minoteries pour lutter contre la spéculation qu'on a vu naître sur la farine depuis le début du mois. Cette mesure s'appliquera jusqu'en août, il faut donc pouvoir tenir le rythme jusqu'à la prochaine récolte.
Dans la région, depuis la révolution tunisienne, l'Algérie n'est pas seule à reprendre brutalement les achats céréaliers qui s'étaient un peu calmés depuis quelques semaines, découragés par des prix mondiaux stratosphériques. Au cours des dix derniers jours, le Maroc et la Libye ont commandé respectivement 255 000 tonnes et 100 000 tonnes de grains ; l'Arabie Saoudite et les Emirats arabes unis ont annoncé qu'ils allaient étendre leurs stocks de six mois à un an de consommation. L'Egypte, elle, se défend d'avoir accéléré le rythme, mais elle a déjà, en six mois, acheté 4,5 millions de tonnes de blé, presqu'autant qu'au cours de toute l'année précédente !
Cette région ultra-dépendante des importations de céréales étrangères a donc renforcé ses stocks. Et jusqu'en Jordanie et en Syrie, les gouvernements ont pris des mesures exceptionnelles sur les prix, en supprimant des taxes et des droits de douanes sur les denrées de base, grains, sucre ou huile, mais aussi en augmentant les subventions aux importateurs ou aux grossistes pour qu'ils modèrent leur prix. Une politique difficilement soutenable, à long terme, par tous ces Etats.
RFI